LES POUVOIRS
Après.
Des oiseaux crucifiés, sur des arbres cramés,
Des enfants affamés, à cent mètres des plages,
Des puissants protégés, par la foule, acclamés,
Des soleils décalés, cachés par les nuages.
La fonte des glaciers a jeté comme un froid,
Mais tant ferment les yeux, de morale vétuste,
Pour leurs sombres acquis, se croyant en plein droit.
Mais où vont les espoirs pour un monde plus juste ?
Décharnée et relax, dame noire au repos,
Est en télétravail, sirotant son absinthe,
Plus besoin d’une faux, d’autres font son boulot :
L’homme est si acharné qu’elle en devient la sainte,
Et la déesse immonde en terre de gravats
Dont ne subsistera qu'insectes et les rats
Cassandre.
- Que vois-tu sur ces flots ? Toute belle Cassandre.
- Je vois de lourds vaisseaux, pour un triste avenir
Une guerre et la mort, le feu et puis la cendre
- Et de notre cité, que va-t-il advenir ?
- Elle disparaîtra comme sinistres ruines.
N’épargne pas le temps, vos œuvres, ou si peu,
Comme morceau de mur, sous le brouillard qui bruine
Un vieux casque rouillé, quelques habits pouilleux.
Royaume dévasté par le feu ou la peste,
Se figent vos grandeurs dès que l’espoir s’enfuit
Et le temps charognard se repait de vos restes.
Tout ce que l’homme fait sombre en un précipice
À trop rêver le jour, vous ne trouvez que nuit.
Vous aviez pourtant tout, la vie et ses délices.
Colonies.
Ils avancent sans bruit, effrayants et livides,
Leurs os sont décharnés, ou de lambeaux couverts.
Ils sont là, sur ton seuil, esclaves du sordide,
Mais ne disent plus rien, dans leur monde larvaire.
Ils sont morts, silencieux, nullement importants,
De plus jeunes encor se couvrent de vermines,
Puanteur que certains exaltent en passant,
Te font comme un parfum, mais tu as bonne mine.
D’opulence gavée, enfant des pays riches,
Combien faut-il de corps sur cette terre en friche,
En calvaire, écrasés, pour ton triste confort.
Ce globe dévasté et dont très peu profite
Sous d’acharnés puissants, qui peu à peu s’effrite
Disparait peu à peu, demain nous serons morts.
Comme un tableau d'Hopper.
Comme un oiseau, la nuit, d’un bruissement d’aile
S’en vient et puis se pose en voile si léger.
D’étoiles et de lune, en dentelle si frêle,
D’un espace infini, le ciel semble appeler.
Les toits se sont noircis en créneau chaotique,
Et frise l’horizon, d’un tranchant ébréché.
Une dame attablée, au regard si tragique,
Un monsieur à chapeau quelque peu éméché,
Isolé à plusieurs, en rite expiatoire,
Mais des autres, le mal, chacun reste ignorant.
Quelqu’un parle un peu fort et cherche un auditoire,
Comme une illusion d’être en un pauvre instant.
Chacun semble un radeau perdu en océan,
En craignant les brisants des pauvres habitudes.
La lumière néon blafardise les gens.
On dirait du Hopper en triste solitude.
Théâtre quotidien, et partant, si banal.
Mon café refroidit, j’ai fini mon journal.
Congo.
Accablé et brûlant, un bar à Kinshasa,
La rumba du Congo se faisait lancinante.
En dérive de cœur, je buvais la Simba.
Hélas, je n’ai trouvé qu’une idylle passante.
J’ai vu terre de feu, sous des matins de givre,
Dont le sol calciné, fumait comme volcan.
Solitude régnait, nul n’y pouvait survivre
Et la mort ricanait, en manteau d’astrakan.
Dans des aubes d’aciers, coupantes comme lames,
Je sentais, sous mes pas, des ossements craquer.
Je ne saurai compter, du passé, tous les drames
Car me fige l’esprit, comme un agneau mort-né.
Mais pourquoi tant de cris, sous des soleils froissés ?
Des mines en sursis et des nuits de massacres.
La mère et puis l’enfant, dans la tombe, enlacés
Et chaque jour levé, comme des fruits bien trop âcres.
Autre lieu, autre vent, je parcourais l’immonde,
Que des cœurs asséchés, en tristes mélopées,
Ont gravé en ces lieux et n’en eurent pas honte.
Le fleuve se souvient du temps des mains coupées.
J’ai vu des rois pervers, aux règnes pleins de sang
Et pourtant encensé dans le nord et la brume
Et mes doigts sur ta peau, qui ne pouvaient pourtant,
Pardonner les horreurs, ni même l’amertume…
J’ai vu mille tourments, même connu la faim,
Puis aimé et pleuré jusqu’à mes déchirures.
J’ai perdu tout espoir comme au bord d’un ravin
Et vu vivre des gens au milieu des ordures.
Accablé et brulant, un bar à Kinshasa,
La rumba du Congo se faisait lancinante.
En dérive de cœur, je buvais la Simba.
Hélas, je n’ai trouvé qu’une idylle passante.