Ravage.
Comme vers sur les morts, les algues des sargasses,
Décomposent la coque et le corps du bateau,
Perdu de mes débours et pêcheur, dans mes nasses,
J’ai trouvé une anguille, un horrible tourteau.
Quelle ignoble ballet sous une lune pleine,
Le crabe dévorait, morcelait le serpent,
ce dernier se lovait sans ménager sa peine,
Le filet rougissait du venin de son sang.
Je revoyais ma vie, aux rythmes des marées.
J’avais l’âme rampante et les pinces du temps
La grignotaient sans fin, dans l’enfer des soirées.
J’ai parcouru les eaux, mon cœur aux quatre vents,
J’ai vu vieilles cités, sous des aubes vermeilles,
Celle du vieux Moïse où s’écoule le miel,
Calcutta où l’horreur se mélange aux merveilles
Et villes de mousson où règne l’arc-en-ciel.
L’ocre de Bénarès, son fleuve aux matins d’ambre,
L’extase ou la souffrance, au rythme de ses eaux,
Cette ancienne forêt que la cité démembre.
Mais je n’ai, nulle part, trouvé quelque repos
Pareil à ce flacon, jeté en quelque mer,
Bouchonné, sur les flots, au dedans un message,
Le S O S lointain d’un désespoir amer,
Même amour est douleur par la peur du naufrage.
Serait-ce qu’un enfant qui lâche son ballon,
Et rêve de le suivre au-delà d’un nuage,
Sait déjà, par instinct, que les murs sont prison ?
Qui se voit en oiseau, veut ignorer sa cage.
Ma chambre est un vaisseau qui navigue sans vague,
Dans quelques draps mouillés, des sueurs du sommeil,
Aux brumes des matins, parfois l’esprit divague,
J’ai souvent méconnu cet avant du réveil.
Bien souvent, nous cherchons, dans un sac, une bille,
Substance et puis éclat, de quelque astre lointain,
Beau reflet de ce moi, qui souvent part en vrille
Et pourtant, sous ce verre, il n’y a que l’étain.
Nous avons de Narcisse une même folie,
Nous ne voyons de nous, qu’image d’Épinal,
car reflet du réel nous est mélancolie,
Qui, l’esprit mis à nu, transperce comme pal.
Je n’aime pas ma tête et nettement préfère,
Ces diamants de soleil, dans le jeu des miroirs,
Ou encore vitraux qui sculptent la lumière.
Ils gravent comme un ange à l’ombre des trottoirs.
Et la pluie angélique écrit ses ailes blanches,
Sur ces pavés de nuit, tant et tant arpentés,
Saluant, en passant, quelques gargouilles étranges,
Je dois leur raconter mes songes fragmentés.
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