REVERIES
À ces rires.
À ces rires figés, d’un vieux calendrier,
Aux brisures du cœur et à la femme en brume,
Qui délave l'esprit, comme un vieux cendrier,
Je leur offre ces vers que dégorge ma plume.
Une malle de peu, je garde du passé.
Quelques livres aussi et ces photos des îles,
Un rêve de gamin, souvenir trépassé,
Un trottoir délavé de cette ancienne ville,
Aux fenêtres, des draps, drapeaux de pauvres gens.
Fantasques illusions, de mon adolescence,
Je fus très tôt boiteux, et souvent fort changeant.
En cité de froideur, j’étais d’incandescence.
Je courais me baigner, sous des soleils froissés,
À l’ombre des forêts, dans des eaux de mystère.
Puis quand tombait la nuit, comme un voile angoissé,
Je retournais, penaud, vers cette termitière,
Qui semblait de Breughel, un tableau sur la mort,
Son triomphe certain et cette peur humaine.
J’ai souvenance aussi des passions trouble-corps,
Où se perd, quelquefois, tendresse pour la peine.
À ces rires figés, d’un passé suranné
Aux visages perdus, quand notre âme s’embrume
À mes anciens jardins de rosiers clairsemés,
Je leur offre ces vers que dégorge ma plume.
Ces amours déclinés, comme un vase brisé
Et que la fleur se meurt, dans un cri de détresse,
Le couteau en plein cœur, au réveil, dégrisé.
Les “je t’aime” perdus dans la bêtise épaisse.
Amantes d’un moment, que je ne sus garder,
Pour vous aussi ces mots, par delà mes années.
Et tout ce que je tais, ou que j’ai bien fardé
Au mascara taquin, d’époques surannées.
J’ai gravé dans ma chair, des espoirs impossibles
Et chevauché aussi, des chimères fantasques.
J’ai vu volcans de feu, sur des terres paisibles,
Et des sombres démons, sous de somptueux masques.
J’ai construit des châteaux, tous de sable pourtant.
Mais défilent les ans et tout se désagrège
Je reste vagabond, en chemin enivrant
D’étoiles et de fleurs. Mes cheveux sont de neige.
À nos licornes
Dites-moi les chemins, des enfants de la lune,
Qu'étoiles ont bordés et par nuit, découverts.
Je me pâme en croissant, en chantant à la brune,
Et je cherche en tout lieu de vieux châteaux déserts.
Même temps, qu'enfant nait, s'en vient une licorne,
Compagne d'autres lieux, maîtresse d'univers,
Comme esprit familier, d'au-delà, sans vergogne,
Qui vous charment l'esprit par delà nos hivers
A l'enfant la chérir, pour ne point qu'elle meurt.
Envolez-vous, alors et n'ayez nulle peur
Ou clos en triste monde et terne vous serez.
Amante est Séléné pour les âmes rêveuses.
Ses sentiers sinueux, vers d'autres nébuleuses,
Emmènent Lorialet en ses pays rêvés.
Beltane.
Vois la lame du fou, entre lune et soleil,
Voyageur sur un fil et se fend sur la toile.
Féérique pays, mille châteaux vermeils,
Quand Beltane s’en vient se déchire le voile.
Je voyais quatre tours et un monde inconnu.
Thomas pauvre rimeur, épousa une reine.
Ils partirent très loin, en des lieux inconnus,
Par delà la forêt, sur plus étrange plaine.
Se prépare un sabbat, petit peuple joyeux.
Verrons-nous en ces lieux de si belles sorcières ?
En cercle et en dansant autour de quelque feu ?
Je suis d’eau et de vents, d’une flamme et de terre
Par lune fut bercé ! Oh ! Douce Séléné !
Je rêve chaque nuit de vos lieux éthérés.
Branche de cerisier.
Devant moi, en chemin, branche de cerisier,
Il suffit de si peu, pour que tout se réveille,
Juste là, par hasard, d’un rose si léger,
Avec un peu de blanc, mais aussi en vermeille.
Mon enfance sans cri, ni fureur, ni douleur,
Peu sociable pourtant, je fus un peu sauvage,
Peu enclin aux troupeaux, je fus plutôt boudeur,
Plus amis d’animaux, amoureux du feuillage.
J’écoutais les oiseaux et j’apprenais leurs noms.
Les chats des environs venaient prendre pitance.
Belle époque perdue et loin de mes démons,
J’ignorais ce bonheur, je ne savais ma chance.
Vieux parterre alangui, fleurs d'amour, fleurs carmins.
Les parfums emmêlés et le soleil en germe.
Je vous revois maman penchée en ce jardin,
Tant de bulbes divers et puis ce pied en berne,
Par quelques vieux cailloux, de votre clématite.
Sur la table de fer, limonades et fruits,
et parfois des bouquets, de lys ou marguerites,
Hortensias, œillets, quelques morceaux de buis.
Une belle saison, époque révolue
Et des larmes de cœur sur les mots quotidiens.
Tendresse en floraison, loin du monde en cohue.
Déluge lumineux, pots de verre ou d’étain.
Vous avez tant aimé, de fièvres horticoles,
Dès la fin de l’hiver, ce coin de paradis.
Tant de sérénité, un déluge en corolles,
Des feuilles de bonheur, les âmes au midi.
Tout au fond, près d’un mur, les désespoirs du peintre,
Un massif de muriers et puis quelques lupins,
Et trônant près du thym, la fragile jacinthe,
Du rire et du muscat, un banc près du sapin.
Avant quelque repas, assaisonné de rire.
Tout cela semble loin sous le givre du temps,
Petite éternité dont mon âme soupire,
Qu’emporte mon passé, telle une feuille au vent.
Aux couteaux de mes nuits, sculpté dans ma mémoire,
Du bourgeonnant printemps aux douceurs de l’été,
Me garde souvenir, dans mes jours en déboire.
Vous n'avez survécu, ni même le rosier.
Elfique.
J'ai gravé sur ma peau, tous mes rites lunaires
Et perçu des forêts, les rumeurs de la nuit,
Puis sève et sang mêlés, près d'étranges frontières,
J'ai fait cercle de feu, sous les eaux de minuits.
J'ai parcouru les bois, poursuivi les nuages
Et parlé au ruisseau, qui m'apprit les chansons
Des nymphes du torrent et puis un très vieux sage,
Forgeron mystérieux, aux yeux comme tisons,
Me conta d'Aradia, les puissants sortilèges.
J'ai parcouru des lieux, couverts de feuilles d'or,
Où la reine du Sidth, tient somptueux collège,
Elle me fit un baiser et puis son plus doux sort.
Au bord des univers, se construisent légendes,
Qui perdurent encor, chez les peuples anciens
Je restai un moment, sur cette étrange lande,
Puis les élémentaux, m'ont conduit en chemin,
Sous des elfiques chants, hors du pays des rêves.
Dites-moi ,Némésis, la douleur du venin,
Que des hommes ont versé jusqu'au bord de la grève.
Leurs villes me font peur et leur monde s’éteint.